House of Cubes, Estérel
UN ASSEMBLAGE DE FORMES GÉOMÉTRIQUES
Conçue pour une famille avec enfants, cette maison unifamiliale aux lignes épurées s’insère dans une clairière entourée de montagnes de la région des Laurentides (Estérel, Québec, Canada). Inspirée de la technique du collage développée au début du XXe siècle, il s’agit d’un assemblage de formes géométriques, trois volumes cubiques, ayant chacun leur fonction particulière. Un premier volume abrite un espace bureau et une salle de séjour; un second volume abrite la cuisine, la salle à manger et les espaces de services. Entre ces deux volumes, s’insère le vestibule d’entrée et une large allée intérieure de circulation, axe principal reliant le nord et le sud. En entrant dans la maison, on y voit tout au fond, à travers de larges pans vitrés, les jardins arrières, la piscine et les montagnes. Superposé sur ces deux premiers volumes, un troisième volume cubique abrite la chambre principale, deux chambres pour les enfants et une salle de jeux (pouvant servir également de chambre d’invités). La chambre principale est située côté jardins faisant face au sud, la salle de jeux fait face au nord à l’avant de la maison, tandis que les deux chambres d’enfants sont situées à l’ouest. Les salles de bain et le bloc-services font face à l’est. Les trois cubes sont agencés judicieusement de manière à créer des toits-terrasses accessibles par les deux chambres d’enfants, créant par le fait même une marquise recouvrant l’entrée située à l’avant et une autre marquise côté jardins pour y prendre les repas à l’ombre ou se protéger des intempéries. Les trois cubes ainsi agencés, il se crée par les pleins et les vides, d’intéressants jeux d’ombres et de lumière.
UN PLAN LIBRE – DE L’ESPACE PUBLIC À L’ESPACE PRIVÉ
À l’intérieur, le rez-de-chaussée est complétement ouvert, un plan libre, et d’immenses portes-accordéons et fenêtres donnent à voir les paysages naturels et les espaces de vie extérieurs. Bien qu’il y ait peu de cloisons, les espaces sont bien délimités : on passe graduellement de l’espace public aux espaces de plus en plus privés. L’espace bureau avec sa grande bibliothèque est situé en façade en entrant et est séparé de la salle de séjour adjacente par un escalier sculptural en acier verni menant à l’étage et surplombé par un puits de lumière. L’aménagement de la salle de séjour est orientée de manière à faire face à un foyer suspendu en acier et à une immense ouverture fenestrée qui cadre une magnifique vue sur les jardins composés de plusieurs conifères, la piscine et les montagnes tout au loin.
DIALOGUE ENTRE L’INTÉRIEUR ET L’EXTÉRIEUR
La façade avant face à la rue est presque identique à la façade arrière à l’exception de la dimension des fenêtres du rez-de-chaussée : les fenêtres sont plus petites en façade avant afin d’y préserver une certaine intimité tandis que la fenestration côté jardins est très généreuse. Les portes-accordéons en verre, lorsqu’ouvertes font en sorte que l’intérieur et l’extérieur s’interpénètrent et se confondent : l’intérieur dialogue avec l’extérieur. Le plancher du patio extérieur installé au même niveau que le plancher intérieur contribue également à effacer la limite entre l’intérieur et l’extérieur.
ART INTÉGRÉ À L’ARCHITECTURE
Dans ce projet, une place importante a été laissée à l’art pictural intégré à l’architecture : des tableaux, des estampes au jet d’encres pigmentées de la série blanche « Fusion » crées par Diane Lafontaine, ont été judicieusement disposés sur des murs peints gris foncé de telle sorte qu’on peut les observer depuis l’extérieur du bâtiment, comme lorsqu’on passe devant les vitrines d’une galerie d’art. La verticalité de la cheminée et de l’escalier sont également perceptibles de l’extérieur à travers les fenêtres côté jardin et leur couleur gris foncé contraste avec le blanc des murs. Du blanc au noir en passant par une gamme de gris, la palette de couleur de ce projet s’inspire de la série de tableaux qu’il met en scène.
DANS LA CONTINUITÉ DU BAUHAUS
Cette maison s’inspire d’une série de bâtiments construits à l’Estérel dans les années 1930 par le promoteur immobilier le Baron Louis Epain et conçus par l’architecte belge Antoine Courtens, issu de l’école du Bauhaus. Le Baron Louis Empain acquiert dans les Laurentides l’ensemble des terrains vacants autour des lacs Masson, Dupuis et du Nord afin d’y ériger un complexe touristique, qu’il nommera Domaine d’Estérel qui comprenait un hôtel, un club sportif, un centre culturel et commercial, des écuries et des villas. L’hôtel de la Pointe-Bleue construite en 1937 comprenait des chambres et des services de restauration et le mobilier fut dessiné par Courtens. Il a été démolie en 2012 après sa cession à un promoteur immobilier. Le centre sportif (Estérel Sporting Club) construit également à la fin des années 1930 sur les rives du lac Dupuis fut intégré à l’actuel Hôtel Estérel. Il comprenait un « living room » avec bar, un restaurant, un gymnase, un solarium, une salle de badminton et des cabines-vestiaires. À l’extérieur, on y retrouvait la plage où l’on y pratiquait des sports aquatiques, entre autres, le ski nautique. Les écuries du Domaine d’Estérel construites en 1937-38 seront transformés en logements pour les employés de l’hôtel vers 1960, l’aile nord incendiée dans les années ’70 et l’aile sud démolie vers 2010. Le centre commercial du Domaine d’Estérel, inauguré en 1937, abritait une vingtaine de boutiques, dont une succursale du magasin Holt Renfrew, et une salle de ballroom, le « Blue Room » avec restaurant, salle de danse et de spectacles. Il fut réquisitionné par l’armée canadienne pendant la deuxième guerre mondiale. Un incendie majeur fait rage en 1975. Il est ensuite transformé en écurie de 1959 à 1970. Il est acquis par la Ville en 1978 et y aménage son hôtel de ville. La Ville le cède ensuite à un promoteur immobilier. En 2014, afin d’empêcher sa destruction, le Ministère de la Culture et des Communications du Québec classe l’enveloppe extérieure, le « Blue Room » et la cage d’escalier comme biens patrimoniaux et établit une aire de protection autour de l’immeuble. Depuis cette date, l’immeuble est laissé à l’abandon par le promoteur. Il s’agit du seul vestige de cet ensemble de l’architecture moderne.